top of page
philosophie

Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. KANT

philosophie
idées, marchandise, imagologue

Bonjour génération ondes,

 

Le texte de G Bernanos m’évoque les idées suivantes : on parle de l’émancipation du citoyen, la réalisation de l'Esprit, la société sans classes. Mais l'homme postmoderne n'y croit plus. Les décideurs offrent pour perspective l'accroissement de la puissance et pacification par la transparence communicationnelle. Mais il sait que le savoir quand il devient marchandise informationnelle est une source de profits et un moyen de décider et de contrôler. Où réside la légitimité ? L'individu réagit à la perte de ses repères en établissant d'autres valeurs comme le « cool et le ludique », il s’éloigne, fuit le «  polis ». Voici le nouvel état d'esprit de l'univers postmoderne : publicitaires, conseillers en communication, dictats des normes esthétiques.  Les « imagologues » créent des systèmes d'idéaux puis anti-idéaux, systèmes bientôt remplacés par d’autres. Voici le comportement ad hoc , l’opinion politique ad hoc, l’esthétique ad hoc, le  livre ad hoc, le système idéologique « cool ».   L'imagologie remplace l’idéologie.

 

Pierre  T (longjumeau)

PHILOSOPHIE
philosophie
conscientisation
philosophie
philosophie
philosophie

la caractéristique exclusive de la technique humaine est qu'elle est indépendante de la vie  de l'espèce humaine. C'est dans l'histoire entière du monde vivant, l'exemple unique d'un individu qui s'affranchit de la contrainte générique. Il importe de méditer longuement sur cette pensée si l'on veut en saisir les implications infinies. Dans l'existence de l'homme, la technique est consciente, arbitraire, modifiable, personnelle, imaginative et inventive. Elle peut s'apprendre et être perfectionnée. L'homme est devenu le créateur de sa tactique vitale : là est sa grandeur et là est sa perte. Et la Science qui étudie les relations entre les êtres vivants . Etre cultivé, cultiver, pâtir de la culture. Les créations de l'homme constituent des expressions de ce spécimen dans une forme personnelle.

  O . SPENGLER

conscientisation de la technique et délitescence de l'humain

 

Que reste-t-il du politique ? la dictature du numérique !

“L’art politique réalisant le plus magnifique et le plus excellent de tous les tissus, en enveloppe, dans chaque Cité, tout le peuple, esclaves ou hommes libres, les serre ensemble dans sa trame et, assurant à la Cité tout le bonheur dont elle peut jouir, commande et dirige” (Le Politique) Platon

 

“La science souveraine est la science politique” (Ethique à Nicomaque)

“Et puisque la Politique se sert des autres sciences pratiques et qu’en outre elle légifère sur ce qu’il faut faire et sur ce dont il faut s’abstenir, la fin de cette science englobera les fins des autres sciences ; d’où il résulte que la fin de la Politique sera le bien proprement humain” Aristote 

 

“La seule façon d’ériger un pouvoir commun, c’est de confier le pouvoir et la force à un seul homme, ou à une assemblée, qui puisse réduire toutes leurs volontés, par la règle de la majorité, en une seule volonté. Cela revient à dire : désigner un homme ou une assemblée, pour assumer la personnalité du peuple; et que chacun s’avoue et se reconnaisse comme l’auteur de tout ce qu’aura fait ou fait faire, quant aux choses qui concernent la paix et la sécurité commune, celui qui a ainsi assumé leur personnalité, et que chacun, par conséquent, soumette sa volonté et son jugement à la volonté et au jugement de cet homme ou de cette assemblée. La multitude, ainsi unie en une seule personne, est ainsi appelée République. Telle est la génération de ce grand Léviathan”

Hobbes

 

“Tout n’est pas politique, mais la politique s’intéresse à tout” (Le Prince, analyse)

Machiavel

 

“S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement” Rousseau 

 

“Le plus grand malheur des hommes, c’est d’avoir des lois et un gouvernement. Tout gouvernement est un mal, tout gouvernement est un joug” Chateaubriand

 

“Par politique, nous entendons l’ensemble des efforts fait en vue de participer au pouvoir ou d’influencer la répartition du pouvoir, soit entre les Etats, soit entre les divers groupes au sein d’un Etat” (l’esprit du capitalisme) Weber

 

 

“La démocratie est le plus mauvais système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire” Churchill

 

“Etre politique, vivre dans une polis, cela signifiait que toutes choses se décidaient par la parole et la persuasion et non par la force ni la violence” (La condition de l’homme moderne) Arendt 

 

Et maintenant, pour ceux qui parviennent encore à penser la situation voici ce qui s'étend progressivement sous leurs yeux, les systèmes informatisés ont envahi toutes nos sociétés, à toutes les échelles.

À l’échelle sociale, la plupart des enseignements, la plupart des systèmes de production, tous les moyens de transports allant des automobiles aux navires et aux avions, utilisent des systèmes informatisés qui évaluent de façon continue leurs propres situations et proposent ou prennent de manière autonome des décisions d’action selon l’état courant de leur environnement.

De l’autre côté, à l’échelle de l’individu, une quantité de petits systèmes sont également informatisés, en allant des innombrables jeux des enfants qui manipulent leurs tablettes, jusqu’à l’adulte qui ne cesse de communiquer sur ses smartphones pendant les transports etsur ses ordinateurs à son travail et chez lui, communications avec des humains ou avec des avatars.

On va vers la maison pervasive où tout est connecté, de la cuisine au salon et à la chambre, en passant par la douche, système totalement enveloppant qui doit « satisfaire » ceux qui sont dans la maison en évaluant leurs postures, leurs actions et réactions par de multiples capteurs, dont des caméras, pour modifier tout ce qui doit l’être afin de les placer dans un environnement considéré comme adapté à leurs états courants. On va jusqu’à porter des montres et des lunettes intelligentes ainsi que des vêtements « intelligents » insérant de petits systèmes fiables résistant aux lavages, ceci afin que l’individu soit sans cesse en communication, et évidemment contrôlé. On est dans un monde où des appareils électroniques très informatisés permettent de communiquer pour réaliser des actions, pour donner des conseils, pour prendre les initiatives satisfaisantes que l’individu a oublié de prendre, individu qui voit aussi venir des robots plus ou moins humanoïdes, qui font les travaux durs ou répétitifs et qui remplacent de plus en plus les opérateurs humains.

Cela constitue le domaine des « Cyber-Physical Systems », les Systèmes Cyber-Physiques en français, domaine qui a pris une importance considérable dans l’économie et dans la recherche, avec des applications dans tous les secteurs. Mais nous sommes dans un monde ultralibéral qui est bien formaté pour l’être et le demeurer. Tous ces systèmes sont réalisés par de nombreuses entreprises privées indépendantes qui font des systèmes propriétaires. Il y a quelques normes, mais peu importe l'essentiel doit être que l’individu soit d’abord  un consommateur. Que reste-il du pouvoir critique de l'être humain dans une telle société ! Tout dépend de ce qu'il reste de ses "acquis" et s'il y a eu "acquis".

 

 

 

 

 

LES LIMITES DE L’ORGANISATION DE L’EXISTENCE

philosophie
philosophie
psychanalyse
philosophie
philosophie
pensees

Lorsque régnait la confiance, l’autorité était la forme du lien ; elle fournissait une loi à l’incertitude et reliait l’in­dividu à la conscience de l'être. Cette forme de lien s’est définitivement décomposée, au XIXe siècle, sous les assauts de la critique. On a vu alors, d’une part, se développer le cynisme propre à l’existence mo­derne ; on hausse les épaules devant la vulgarité qui se manifeste dans tous les domaines et qui se dis­simule partout. Et d’autre part, on a vu pour ainsi dire disparaître la contrainte de l’obligation fondée sur une fidélité qui se lie ; un humanisme affadi, dans lequel le vrai sens de l’humanitas s’est perdu, justifie au nom d’idéaux exsangues ce qu’il y a de plus misé­rable et de plus accidentel. Maintenant que les mys­tères ont été remplacés par la science, nous sommes devenus réellement conscients de l’élimination du divin dans le monde : on peut le reconnaître à ceci que l’on ne s’en réfère plus à une loi de liberté considérée comme inexorable et que l’on n’a gardé que l’organisation, la coopération, le respect des règlements. Mais aucune volonté ne peut rétablir la véritable autorité. Seule une violence engendrée par la contrainte pourrait en prendre la place. Les forces qui pourraient la remplacer devraient surgir d’un nouveau fondement. Leur apparition reste condition­née par la critique, mais celle-ci est incapable de les créer. Jadis force vivante et positive, elle est tom­bée aujourd’hui dans la dispersion et s’est décom­posée ; elle finit par se tourner contre elle-même et conduit au gouffre de l’arbitraire. Elle ne peut plus consister à juger et à diriger selon des normes vala­bles ; sa véritable tâche est de s’approcher des choses et de dire ce qui est. Elle n’en sera pourtant capable que si elle est à nouveau animée d’un contenu véri­table et ouverte sur la possibilité d’un monde qui se construira lui-même.

A la question « que subsiste-t-il encore aujour­d’hui ? », il faut répondre : la conscience du danger et de la perte de substance, la conscience d’une crise radicale. La conscience devient aujourd’hui une pure possibilité, elle n’est pas une possession ni une garan­tie. Toute objectivité est devenue ambiguë ; le vrai paraît ne plus résider que dans ce qui a été irré­vocablement perdu, la substance dans le désarroi, et la réalité dans le travestissement. Celui qui veut, au sein même de la crise, retrouver ses propres fon­dements, doit passer par ce qui a été perdu pour se l’approprier par le souvenir ; traverser le désarroi pour arriver à une décision sur lui-même ; subir le travestissement pour découvrir l’authentique.

Le monde nouveau ne sortira pas de la crise par l’organisation de l’existence comme telle ; mais l’hom­me, qui dépasse ce qu’il se donne grâce à cette organisation, se conquerra par l'Etat, pour lequel l’organisation de l’existence n’est qu’un moyen, en le voulant dans sa totalité — et par la création spirituelle, qui lui permettra d’accéder à la cons­cience de sa propre essence. En suivant ces deux voies, il pourra retrouver la certitude à propos de son origine et de son but, et de l’être-humain lui- même, qui consiste dans la noblesse d’une auto­création libre et qui se perd dans la pure organisa­tion de l’existence. S’il croit saisir dans l’État la réalité authentique, il ne tardera pas à se rendre compte que celui-ci ne représente pas encore la tota­lité mais ne fait qu’offrir des possibilités. S’il se fie à l’esprit, comme à un être en soi, celui-ci deviendra pour lui problématique dans chacune de ses objec­tivations effectives. Il doit revenir à l’origine, à l’essence de l’homme, dont l’État et l’esprit tirent leur réalité. K.JASPERS

Rapport de la Technique à la liberté

Sous l'emprise de la technique, l'homme tend à réduire l'ensemble du réel à un fonds disponible. Le corollaire, la technique "cherche" à transformer l’homme, le faire advenir hors de la nature, dans l’arraisonnement de la nature. L’essence de la technique moderne, en définitive, se fonde sur ce qui est ressenti comme une obligation, celle de faire advenir non ce qui est contenu en germe dans l’ordre naturel. Ce qui est donc en jeu à travers notre rapport avec la technique, souligne Heidegger, c’est notre liberté. Nous ne sommes libres que si nous surplombons l’essence de la technique au lieu d’être surplombé par elle. Mais comment surplomber quelque chose dont la particularité est de s’effacer ? Comment être libre quand la technique nous somme sans cesse de choisir notre destin ?                

Cela n'est possible, répond Heidegger, qu'en admettant qu’il n’y a pas de destin librement choisi; plus précisément en intégrant le fait que la technique nous impose un destin selon ses plans et en cessant de rechercher la production comme dévoilement.

Il importe au contraire de se donner comme but son non dévoilement. Or celui-ci réside dans l'acte de contemplation : la liberté se fonde dans le fait de contempler sans pour autant chercher à faire advenir.
Si l'essence de la technique moderne, c’est la négation de l’essence, notre être, par contre, réside dans la contemplation de l’essence. Il n'est possible de surplomber la technique qu'en utilisant celle-ci pour faire advenir que ce qui est déjà en germe dans la nature. Il ne s'agit pas de renoncer à la technique en tant que telle, mais à ce que nous avons inconsciemment mis en elle. Nous ne vaincrons la tentation démiurgique et techniciste que si nous rétablissons un rapport esthétique au monde et que si nous utilisons la technique non pas pour accomplir l’arraisonnement de la nature hors de nous, mais l’accomplissement de notre propre nature.

C’est un moment d’extrême tension à travers lequel certains souhaitent le dépassement de l’anonymat né de la déshumanisation de l’individu, plongé dans une masse anaplasique. Pourtant un véritable mouvement de révolte qui revendique de la transparence, abhorre le mensonge, exècre le double jeu des « dominants ». Rupture du silence et réflexions sur la nature d’un nouveau totalitarisme, tel est ce mouvement de l’histoire. Cette effervescence puise dans le réservoir de l’idéalisme. Elle cherche une autre belle réalité.

La Révolution française était guidée par une dimension morale héritée des Lumières. Le bouillonnement du présent cherche un avenir en chassant la langue de bois, les slogans vides.

La société veut le progrès économique, l’égalité de tous, mais les luttes de pouvoir brouillent les cartes. L’homme n’est qu’un facteur de l’histoire au service de la rationalité. Un  instrument au service du progrès. Un facteur négligeable devant la religion économique. Nouvelle tentative d’exercer un pouvoir absolu sur les consciences individuelles.

Quels seront les prochains acteurs de l'actualité, des robots aux plateformes, de l'ordinateur à l'intelligence dite artificielle. Les algorithmes peuvent générer des textes, traiter des images faisant fi de toute analyse sémantique. Nous allons vers le monde du virtuel et son cortège de fausses informations, de manipulations au nom d'une liberté de parole. Il est indispensable de replacer le respect, le sens, le dialogue entre les êtres en apprenant de l'histoire.

Le retour du balancier sera l’appel du souvenir que nous appartenons au monde de la pensée et de la parole, celui de l’humanité. Le choix est une de ses données essentielles. Briser le silence et le mensonge tout en contenant l’activité surabondante d’énergie là est l’enjeu. RB

L’homme s’étant libéré d’une conception hétéronomique des fonctions universelles, il s’est par là même laissé dominer par les premières consciences de son individualité.

Livré à la vindicte publique, il s’est laissé emprisonner dans le masque de l’autorité légale. Il a oublié son implication dans le macrocosme et sa responsabilité vis-à-vis de l’autre.

Croire une vision supérieure ou inférieure  s’apparente à une chimère.

Toute source positive ne jaillit que de soi. C’est un postulat pour une action sociétale, certes, encore est-il nécessaire d’entreprendre, de dépasser sa condition, de vouloir le vivre commun. La naissance du groupe implique une réduction. C’est une constante historique.  L’objectif est primordial. La qualité de cet objectif orientera le groupe tandis que le dialogue  permettra d’attribuer un titre éphémère mais substantiel pour ce que chacun s’est fixé. Tout achèvement  est difficilement compatible du groupe social… Une action politique s’insère dans un schéma représentatif. L’essentiel n’est-il que le lien d’où surgirait des valeurs stabilisées…

pulsation

ARTE :

La perte de la confiance entraîne la faillite de l'humanité. Quand on fait de la politique il faut du temps pour la réflexion. Mène-t-on les bons combats ? Les citoyens sont déçus du politique. Rester fidèle à soi-même est essentiel. Ni sagesse, ni sérénité, ni sincérité quelles conséquences ?

On ne permet plus aux gens de s' approprier leur propre identité. Nous entrons et nous n'entrons pas dans les mêmes fleuves. La révolution du moi, où est passée cette dimension dans la pensée contemporaine. Identifier tout ce qui nous oppresse et s'éfforcer de l'oublier puis voir ce qui subsiste. Le moi profond et la musique entrent en résonance. La tâche est ardue, il faut être patient dans le travail la musique le sport...

Faire le point.

proposition de la pensée
classification admise par la raison
le triptyque

L'apparence

La Latence

L'etre

Les sages parfaits de l’Antiquité étaient si fins, si subtils, si profonds et si universels qu’on ne pouvait les connaître.

Ne pouvant les connaître, on s’efforce de se les représenter :

Ils étaient prudents comme celui qui passe un gué en hiver ;

hésitants comme celui qui craint ses voisins ;

réservés comme un invité ;

mobiles comme la glace qui va fondre ;

concentrés comme le bloc de bois brut ;

étendus comme la vallée ;

confus comme l’eau boueuse.

Qui sait par le repos passer peu à peu du trouble au clair et par le mouvement du calme à l’activité ?

Quiconque préserve en lui une telle expérience

ne désire pas être plein.

N’étant pas plein, il peut subir l’usage et se renouveler. 

Lao-tseu

voieDUmilieuma19GO.jpg

L’art de vivre dans la bienveillance et l’harmonie.

 

Confucius vivait dans l’ouest de la Chine il y a deux mille cinq cents ans

Il a ouvert la première école "privée" du monde.

La seule noblesse est celle du cœur. Chaque être humain est à même d'exiger le meilleur de ses dirigeants. Mais l'exigence est avant tout envers soi-même et l'indulgence envers les autres. « Maître, y a-t-il un seul mot qui pourrait servir de guide dans toutes les actions de la vie ? », Confucius répond : « Ne fais jamais aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’ils te fassent. » il est nécessaire de développer ses facultés de discernement pour améliorer la qualité morale de ses actes. La vérité ne se trouve pas dans les livres mais dans l’affinement de ses propres critères...

Ainsi rien ne change véritablement dans le pacte humain G.O.

SCIENCE ET NATURE.  A.WATTS

Ces unités d’attention triées dans la totalité du champ de conscience sont ce qu’on appelle les choses, les événements et les faits. Nous ne nous rendons habituellement pas compte, croyant naïvement que les choses sont telles préalablement à tout acte d’attention conscient. En vérité, la vision brute n’appréhende pas de choses ; elle balaie tout le champ visuel dans sa profusion infinie. Les choses se constituent pour l’esprit quand l’attention consciente brise le champ en unités facilement maniables par la pensée. Nous prenons pour une découverte objective ce qui est en réalité une invention. Etudiant un champ visuel ou tactile, l’intelligence arrive à la conclusion qu’il existe vraiment des choses dans le monde extérieur, — conclusion que semble vérifier la possibilité d’action qui s’y rattache. Car, en appréhendant le monde sensible à l’aide de ces « prises », nous sommes en mesure de prédire son comportement et de nous y frayer un chemin.

 

Nous sommes également en mesure de prédire des événements et de manier le monde extérieur en réduisant les mouvements à des minutes et secondes. Mais prétendons-nous pour autant qu’un arbre de 5 m de haut est fait de 5 morceaux de bois ?

Nous savons bien que c’est dans l’abstrait que cet arbre est partagé en m et cm et non dans la réalité. Il devient beaucoup plus difficile d’admettre qu’il en est exactement de même avec la conscience, et que le découpage de son champ est également abstrait. De se rendre compte que les choses sont les unités de mesure du penser comme la livre est une unité de mesure du peser. On commence à s’en apercevoir lorsqu’on s’avise que n’importe quelle chose peut être divisée à son tour en un nombre quelconque de choses qui sont ses composantes, ou être considérée à l’inverse comme partie d’une chose plus vaste encore. Il reste que les centimètres sont les divisions d’une règle et n’apparaissent pas sur le tronc à mesurer, tandis que l’aspect des choses semble se conformer à des divisions données dans la nature elle-même. Par exemple, ce qu’on appelle le corps humain est séparé de ce qui l’entoure par la surface claire et distincte de la peau. En vérité, c’est pour la pensée seulement que la peau sépare le corps du reste du monde. Pour la nature, la peau est agent de liaison autant que de séparation, permettant aux organes internes de communiquer avec l’air, la chaleur, la lumière de l’extérieur.

L’attention concentrée étant exclusive, sélective et opérant par divisions, il lui est beaucoup plus facile de saisir la différence qui sépare les choses que l’unité qui les relie. L’attention visuelle perçoit les choses comme des formes se détachant d’un fond et la réflexion accentue encore cette dissociation. En fait, les limites qui séparent les deux domaines sont autant l’ « intour » du fond que le contour de la forme. Nous avons cependant de la peine à remarquer l’union indissoluble de la forme et du fond, ou du solide et de l’espace. Nous nous demandons ce qu’il adviendrait d’une forme ou d’un solide sans fond ou espace pour les entourer.

Nous pourrions tout aussi bien nous demander en retour ce qu’il adviendrait de l’espace alentour s’il n’était pas occupé par des solides. L’espace étant une « fonction d’environnement », la réponse est qu’il n’y aurait rien à environner. Il est important de noter que cette liaison mutuelle de la forme et du fond n’est pas seulement logique et grammaticale, mais aussi sensorielle. Quant à l’idée naïve qu’il y a d’abord l’espace vide que les choses remplissent ensuite, elle est contenue dans la question classique : comment le monde est-il né de rien ?

Cette question devrait se reformuler ainsi : comment quelque chose- et-rien est-il né de... quoi ?

Forme-et-fond constituent donc une relation, une indissoluble relation d’unité-dans-la-diversité. Quand l’être humain se laisse absorber par l’attention concentrée, par un mode de pensée analytique et sélectif, il cesse de percevoir la corrélation mutuelle des contrastes et l’identité des différences. Il faut d’ailleurs remarquer que la notion même de « fait » ou de « chose » implique une dualité. Résultant d’un partage ou d’un choix effectués par l’expérience, le fait ou la chose s’opposent par définition à d’autres faits et à d’autres choses ; ils sont au minimum deux. Un fait unique serait infini, ne se définirait par rapport à rien ; il s’évanouirait donc comme tel. Ces dualité et multiplicité essentielles des faits témoignent mieux que tout de leur foncière indépendance.

Le monde n’est pas une collection d’objets juxtaposés afin d’être mis en relation les uns avec les autres, à l’instar des pièces d’une construction. Les réalités fondamentales ne sont pas les choses séparées, mais les relations ou « champs de forces » dont ce que nous appelons les faits sont les limites ou les termes, — un peu comme « chaud » et « froid » sont les termes ou limites supérieur et inférieur d’un champ de température, ou comme la plante des pieds et le cuir chevelu sont les termes inférieur et supérieur du corps. Ce sont des surfaces du corps et elles ne sauraient constituer des entités sui generis. Les mots et les moules de pensée sont impuissants à embrasser ce monde de relations, sauf par des analogies qui ne sont jamais entièrement satisfaisantes. Admettre que les éléments fonda¬mentaux de la nature sont des « relations » plutôt que des « choses » peut paraître terriblement subtil et abstrait tant qu’on ne s’est pas aperçu que les relations sont cela même que nous touchons et sentons et qu’il n’est rien de plus concret.

Les chances d’une telle intuition se trouvent compromises davantage encore par le passage de l’abstraction première — l’attention sélective — à cette abstraction seconde qu’est la symbolisation de la pensée par les mots. Tous les mots autres que les noms propres sont des outils de classification, si bien que leur maniement augmente encore l’impression que le monde est une multiplicité dissociée.

Lorsque nous énonçons la quiddité d’une chose, nous la rapportons à une classe.

Il n’y a pas d’autre moyen de la définir. Mais c’est simplement la distinguer de toute autre chose, souligner sa différence comme étant l’essentiel. Si bien qu’on s’accoutume à penser qu’une identité est une question de séparation, par exemple que mon identité réside premièrement dans mon rôle ou ma classe, et ensuite dans la manière particulière dont je diffère d’autres membres de cette classe. Mais si je m’identifie à mes différences, à ce qui me sépare et me dé-finit, je ressens ma réalité particulière comme une coupure. Je perds des yeux et néglige l’unité concrète sous-jacente à ces signes distinctifs obtenus par l’abstraction. Ceux-ci sont alors perçus comme des principes de séparation plus que de relation. Dans ces conditions, le monde m’apparaît comme une chose avec laquelle je dois établir une relation et non comme une chose avec laquelle j’ai une relation.

Il n’est pas nécessaire pour autant de conclure à la réalité objective des choses.

cheminementdec18c.jpg

Conflit entre culte de la liberté et  religion de l’organisation. J.BENDA

Quelle est la valeur humaine de la démocratie ? Est-il de l’intérêt de l’espèce que ce système s’étende dans le monde ?

La question revient à se demander si l’humanité doit être puissante ou morale. Il est clair que si l’on veut une humanité puissante, soit par le triomphe d’une nation qui, spécialement fervente de la force et de l’accroissement, inspirerait de son credo toutes les autres, soit d’une doctrine économique qui, supprimant l’idée de nation, ferait travailler l’espèce entière, comme une armée d’esclaves, à une exploitation souveraine de la planète, on ne peut pas souhaiter la victoire d’un système dont les ressorts cardinaux sont les droits de l’individu, le rejet de tout commandement incontrôlé, le respect de la justice. On n’observe peut-être pas assez que, du point de vue proprement pratique, ces dogmes sont des gênes et que tout ce qui s’est fait de positif dans l’histoire (y compris l’instauration de la démocratie) s’est fait à leur encontre, du moins temporairement. Au contraire, on doit appeler la victoire de ce système si l’on estime que la grandeur de l’homme n’est pas dans sa mainmise plus ou moins large sur ses semblables ou sur les choses, dans l’épanouissement plus ou moins total de son orgueil de vie, mais dans son attachement aux verdicts éternels de la conscience humaine, dans le perfectionnement de sa partie divine. On peut dire que la démocratie, dans son esprit, sinon toujours dans le fait, est agréable à Dieu. Souhaiter son règne dans le monde procède de la même conception de l’Homme et de sa destinée que d’y souhaiter le règne de la loi du Christ.

La question de savoir si l’humanité se veut puissante ou morale peut se mettre encore sous cette forme : l’humanité veut-elle connaître l’organisation ou la liberté individuelle ? Il est évident qu’un groupe qui se veut puissant doit être organisé.

Il est non moins évident que l’organisation d’un groupe s’oppose à la liberté de ses membres pour une certaine mesure, mesure qui grandit avec le degré de l’organisation. Cette opposition est nettement reconnue, sinon toujours avouée, par les pionniers de l’organisation ; l’un d’eux déclarait, il y a quelques années : « Le dogme de la liberté individuelle ne pèsera pas un fétu le jour où nous organiserons vraiment notre nation. » Elle l’est beaucoup moins par les adeptes de la liberté, lesquels ne paraissent pas comprendre que, s’ils jouissent de ce bien, il leur faut, en revanche, admettre de ne pas connaître la totalité du rendement, de l’ « efficiency », que pourrait produire leur groupe, qu’il soit leur nation ou le groupement humain entier. Mais alors surgit cette demande : «  Peut-on qualifier de morale une attitude de l’individu qui, pour jouir de sa liberté, consent à ne point doter la collectivité de toute la puissance dont elle est capable et dont, au surplus, chaque individu profitera ? La morale ne consiste-t-elle pas, au contraire, dans le consentement de l’individu à abdiquer sa liberté en faveur de l’ensemble ? » Comme il arrive presque toujours dans les débats de cet ordre, ceux qui tiennent ce langage dénoncent la position qu’ils proscrivent uniquement dans ce qu’elle a de mauvais et celle qu’ils prônent exclusivement dans ce qu’elle a de bon. Il est clair que, si le culte de la liberté consiste uniquement dans la vénération des satisfactions matérielles qu’on peut en tirer, dans la « dilatation personnelle » dont nous parlons plus haut, ce culte est parfaitement immoral ; que si, d’autre part, l’abdication de la liberté individuelle en faveur de l’ensemble a uniquement pour but la liberté de l’ensemble et la possibilité de plus de justice pour chacun de ses membres, elle est éminemment morale. Il n’en demeure pas moins que la liberté de la personne est la condition cruciale de sa dignité; qu’en conséquence, si le souci de sa dignité est une forme, chez l’homme, de sa moralité, son attachement à la liberté proclame sa volonté de constituer une espèce morale ; que, d’autre part, si l’abandon de sa liberté au profit de l’ensemble n’a d’autre fin que de rendre celui-ci tout-puissant, cet abandon ne prouve que le désir chez l’homme de connaître, par le moyen de l’ensemble, des satisfactions d’orgueil, voire des avantages matériels, qu’il n’atteindrait point par lui-même et ne comporte alors aucune moralité.

La démocratie, en tant qu’elle tient pour valeur suprême, non pas l’organisation, mais la liberté de la personne, pose bien la question de savoir si, en la repoussant ou l’adoptant, l’humanité se veut puissante ou morale. Au reste, l’adoption par l’homme de systèmes qui tendent expressément à satisfaire son avidité marque bien sa volonté de s’affirmer dans sa nature en tant que puissante. L’avidité, dit une formule célèbre, est la mesure de la puissance humaine.

L’organisation s’opposant à la liberté individuelle et celle-ci formant la base de ce que, sous le rapport moral, intellectuel et artistique, nous nommons civilisation, on peut se demander, dans une vue plus générale, si la véritable religion que toute une humanité voue aujourd’hui à l’organisation ne va pas à la destruction de la civilisation.

examens des vers dores LE JUSTE MILIEU de PYTHAGORE.

F. D’OLIVET

Il faut que ce juste milieu soit en effet bien dif­ficile à tenir dans la carrière de la vie, puisque Kong-Tzée lui-même, qui en a fait toute son étude, l’a manqué dans le point le plus important de sa doctrine, dans celui de la perfectibilité humaine. Imbu, à son insu, des préjugés de sa nation, il n’a rien vu au-dessus de la doctrine des anciens et n’a point cru qu’on pût y rien ajouter. Au lieu de pousser en avant l’esprit des Chinois vers le but où la nature tend sans cesse, qui est le perfection­nement de toutes choses, il l’a, au contraire, rejeté en arrière et lui inspirant un respect fanatique pour les œuvres du passé, l’a empêché de rien mé­diter de grand pour l’avenir. La piété filiale elle-même, poussée à l’excès, changée en une aveugle imitation, a encore augmenté le mal. En sorte que le plus grand peuple du monde, le plus riche en principes de toutes sortes, n’ayant osé tirer de ces mêmes principes aucun développement, dans la crainte de les profaner, sans cesse à genoux devant une stérile antiquité, est resté stationnaire, tandis que tout a marché autour de lui ; et depuis près de quatre mille ans, n’a réellement fait aucun pas de  plus vers la civilisation  et le perfectionnement des sciences et des arts.

avjustemilieu20w.jpg

Le côté par lequel Bacon est sorti du juste milieu, a été précisément l’opposé de celui qui a empêché Kong-Tzée d’y rester.

Le théosophe chinois avait été égaré par sa vénération outrée pour l’antiquité ;

le philosophe anglais l’a été par son profond dédain pour elle. Prévenu contre la doctrine d’Aristote, Bacon a étendu sa prévention sur tout ce qui nous venait des anciens. Rejetant en un jour le travail de trente siècles et le fruit de la méditation des plus grands génies, il n’a voulu rien admettre au-delà de ce que l’expérience pouvait constater à ses yeux.

La logique lui a paru inutile à l’invention des sciences. Il a abandonné le syllogisme, comme un instrument trop grossier pour pénétrer dans les profondeurs de la nature. Il a pensé qu’on ne pouvait faire aucun fonds, ni sur l’expression du langage, ni sur les notions qui en découlent. Il a cru les principes abstraits dénués de tout fonde­ment ; et de la même main dont il combattait les préjugés, il a combattu les résultats de ces prin­cipes, dans lesquels il a malheureusement trouvé beaucoup moins de résistance. Plein de mépris pour la philosophie des Grecs, il a nié qu’elle eût rien produit d’utile ni de bon ; en sorte qu’après avoir banni la physique d’Aristote, qu’il appelait un fatras de termes de dialectique, il n’a vu dans la métaphysique de Platon qu’une philosophie dé­pravée et dangereuse et dans la théosophie de Pythagore, qu’une superstition grossière et cho­quante. C’est bien ici le cas de revenir encore à l’idée de Basilide et de s’écrier avec lui, que nul homme n’est sans tache. Kong-Tzée a été, sans contredit, l’un des grands hommes dont la Terre se soit honorée et Bacon , l’un des philosophes les plus judicieux de l’Europe  l’un et l’autre ont pour­tant commis des fautes graves, dont la postérité s’est plus ou moins ressentie : le premier, en rem­plissant les lettrés chinois d’un respect outré pour l’antiquité, en a fait une masse immobile, presqu’inerte , que la Providence, pour en obtenir quelques motivemens nécessaires, a dû frapper à plusieurs reprises du fléau redoutable des révolu­tions ; le second, en inspirant, au contraire, un mépris irréfléchi pour tout ce qui venait des an­ciens, en demandant la preuve de leurs principes, la raison de leurs dogmes, en soumettant tout aux lumières de l’expérience, a brisé le corps de la science, en a ôté l’unité, et a transformé l’assemblée des savants en une tumultueuse anarchie, dont le mouvement irrégulier a fait naître d’assez violents orages. Si Bacon eût pu prendre en Europe la même influence que Kong-Tzée avait prise en Chine, il y aurait entraîné la philosophie dans un matéria­lisme et un empirisme absolus. Heureusement le remède est né du mal même. Le manque d’unité a ôté toute force au colosse anarchique. Chacun vou­lant avoir raison, personne ne l’a eue. Cent systèmes élevés l’un sur l’autre, se sont heurtés et brisés tour-à-tour. L’expérience, invoquée par tous les partis, en a pris toutes les couleurs, et ses jugements opposés se sont détruits eux-mêmes.

Si, après avoir signalé les fautes de ces grands hommes, j’osais hasarder mon avis sur le point où ils ont tous les deux failli, je dirais qu’ils ont con­fondu les principes des sciences avec leurs déve- loppements  et qu’il faut, en puisant les principes dans le passé , comme Kong-Tzée, en laisser agir les développements dans toute l'étendue de l’avenir, comme Bacon. Les principes tiennent à la Nécessité des choses ; ils sont immuables en eux-mêmes ; finis, inaccessibles aux sens, ils se prouvent à la raison : leurs développements découlent de la Puissance de la volonté; ces développements sont libres, indé­finis ; ils affectent les sens et se démontrent par l’expérience. Jamais le développement d’un prin­cipe n’est fini dans le passé, comme le croyait Kong-Tzée ; jamais un principe né ne se crée dans l’avenir, comme l’imaginait Bacon. Le développement d’un principe produit un autre principe, mais toujours dans le passé  et dès que ce nouveau principe est posé, il est universel et hors des atteintes de l’expérience. L’homme sait que ce prin­cipe existe, mais il ne sait pas comment. S’il le savait, il aurait pu le créer à son gré ; ce qui n’appar­tient pas à sa nature. L’homme développe, perfec­tionne ou déprave, mais il ne crée rien. Le juste milieu scientifique, recommandé par Pythagore, consiste donc à prendre les principes des sciences là où ils sont et à les développer librement sans être retenu ni poussé par aucun préjugé. Quant à celui qui concerne la morale, il est assez fortement exprimé par tout ce qui a précédé.

L'homme qui connaît sa dignité, dit Hiéroclès, est incapable d’être prévenu ou séduit par rien. La tempérance et la force sont les deux gardes in­corruptibles de l’âme ; elles l’empêchent de céder aux attraits des choses agréables et de se laisser effrayer par les horreurs des choses terribles.

bottom of page